Nos dirigeants doivent faire preuve du même courage que possédait Tommy Douglas.

par Gary Machan, équipe des politiques et des relations avec les intervenants

Lors d’une conférence nationale commémorant le 50e anniversaire de l’assurance-maladie il y a quelques années, j’ai eu la chance d’être assis à la même table qu’un couple âgé, qui avait fait partie d’une poignée de médecins qui sont sortis des rangs pour appuyer la vision des soins publics au Canada de Tommy Douglas. Lorsqu’on leur a demandé pourquoi ils ont agi ainsi, leur réaction immédiate a été : « C’était la bonne décision à prendre. » Je n’avais aucune idée des représailles qu’ils ont dû subir de la part de leurs collègues. Une hostilité, faut-il le préciser, qui persiste malheureusement aujourd’hui.

Je partage cette anecdote parce que je crois fermement qu’à moins que les responsables de la transformation du système de santé de l’Ontario, et en particulier la première ministre Kathleen Wynne et le ministre de la Santé et des Soins de longue durée Eric Hoskins, démontrent la même vision et le même courage, il est hautement improbable que l’assurance-maladie survive. En dernière analyse, se contenter de construire plus d’hôpitaux et d’embaucher plus de médecins n’est pas la solution. Au mieux, cela nous donnera quelques années de répit.

Pourquoi? Parce que cette mesure ne fait rien pour régler les problèmes systémiques comme la pauvreté et l’isolement social, problèmes auxquels se heurtent tous les jours de nombreux usagers onéreux. Imaginez que vous êtes devant une baignoire qui déborde. Vous avez le choix entre deux options : premièrement, vous pouvez diminuer le débit d’eau, en faisant la promotion de la santé. Ou vous pourriez essayer de trouver plus de seaux, c’est-à-dire offrir plus de soins. À ce jour, l’approche du Ministère a été fortement orientée vers la deuxième option, malgré le fait qu’elle soit non seulement moins efficace, mais aussi beaucoup plus coûteuse.

Prenons le cas du maillon santé de Simcoe-Nord. Ce qui rend cette recherche si déterminante, c’est la mesure dans laquelle elle démontre non seulement l’extrême pauvreté, la faim et l’isolement social de la population desservie par ce maillon santé, mais aussi comment même des investissements modestes pour contrer les déterminants sociaux de la santé ont eu des effets notables, soit des réductions de 30,8 pour cent du nombre de visites à l’urgence, de 45,1 pour cent dans les soins aux patients et de 37,5 pour cent des coûts hospitaliers. Sans parler de l’amélioration considérable de la qualité de vie des patients du maillon santé.

Mais malgré le succès de ce maillon santé novateur, qui s’il est reproduit efficacement à grande échelle pourrait dégager des économies nettes de centaines de millions de dollars, rien dans la récente Loi accordant la priorité aux patients n’offre une définition de la santé, ce qui constitue un signal d’alarme pour l’avenir. La Loi sur la réforme des soins de santé ne contient aucune mesure donnant aux RLISS le mandat de soutenir le travail de promotion de la santé, dont ils ont désespérément besoin pour réussir selon les moyens préconisés par l’ACSO et l’ASPO.

Ce qui me ramène à la question de la vision : la nécessité d’une attitude qui va au-delà des hôpitaux et des médecins, et le courage d’adopter des lois qui aident les fournisseurs de soins primaires à résoudre les problèmes systémiques grâce à la promotion de la santé. Eric Hoskins se montrera-t-il à la hauteur et prendra-t-il la bonne décision, comme ses braves prédécesseurs l’ont fait quand ils ont mis sur pied l’assurance-maladie? La réponse à cette question pourrait bien décider du sort du régime universel des soins de santé en Ontario, sinon dans ce pays.